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C'est quoi le rock progressif ?
 

Alors, pour faire une petite mise à niveau, je vais tenter de vous définir le rock progressif en 12 points. J’en profiterai pour faire la relation avec mon concept-album Anna et déterminerai en quoi on peut dire que, « oui dis donc, c’est ben du rock progressif que chante, le gamin ! » (avec les « R » qui roulent, ça sonne mieux). Pour les puristes, il y aura peut-être quelques raccourcis un peu rapides… Mais bon, allons-y gaillardement.

Le rock progressif est né dans les années 70 (avec l’album de King Crimson « In the court of the Crimson King », sorti en 69) et se caractérise par :

1°) Un mélange de styles variés (à l’intérieur d’un même morceau ou pas). C’est le cas de la musique d’Anna avec des passages pop, rock, hard-rock, classique, métal, funk, bluesy, électronique, symphonique, traditionnel russe (courte citation), jazzy (accords enrichis).

2°) Une instrumentation importante notamment au niveau des claviers et destinée à rééquilibrer la balance entre le chant (dominant en rock, pop, funk, variétés…) et les instruments. Pour la musique d’Anna, la guitare (électrique, folk, nylon) a une grande importance. On ne se refait pas ! Toutefois j’ai adoré le travail des sons de claviers qui apportent des couleurs extraordinaires à une composition (moog, mellotron, orgue, synthés en tout genre, percussions électroniques). J’ai emprunté des chemins truffés d’instruments de musique classique (bois, cuivres, cordes). Ajoutons à cela chant, chœurs, batterie, basse, voix parlée, bruitages et vous aurez le panel des sons d’Anna. Oui, je suis d’accord, ça fait déjà pas mal…

3°) La durée des morceaux est un autre facteur représentatif du rock progressif. Dès sa naissance il s’est affranchi de ces contraintes en rejetant l’aspect commercial de la musique qui force à faire entrer un couplet-refrain-couplet-refrain dans 2 minutes 30. Il n’y a donc pas de formatage des morceaux progressifs pour pouvoir passer en radio. Là encore une totale liberté est de mise : des pièces d’une demi-heure cohabitent avec des titres d’une minute. Dans Anna, j’ai composé en fonction des paroles bien sur, mais aussi en écrivant sans me soucier de la durée des chansons : une introduction de 2 minutes avant le premier couplet, pas de problème, un solo de guitare et de mellotron de 3 minutes juste après le premier refrain, pas de problème, et s’il n’y a pas de refrain, pas de problème… J’ai même dû réduire un peu car, mine de rien, il faut quand même que ça tienne sur un cd de 80 minutes ! Et c’est ainsi que les morceaux d’Anna s’étalent de moins de 3 minutes à plus de 8 minutes avec une grosse proportion de titres autour des 6,7 minutes. On n’y trouve pas de très longues pièces mais les titres sont regroupés en 3 actes offrant des durées d’environ 20, 20 et 30 minutes.

4°) La structure des morceaux est elle aussi complètement libre car, comme pour leur durée, ils ne subissent aucune contrainte commerciale. Le schéma de la chanson « couplet – refrain – etc » n’existe plus. Une certaine complexité dans la composition entraine l’utilisation de nombreux thèmes musicaux à l’intérieur d’un même morceau. Comme décrit plus haut, j’ai composé Anna vraiment selon mes envies. Les structures sont cassées et les divers changements de rythmes, d’harmonie, de styles apportent une surprise qui aiguise l’attention de l’auditeur. Que se passera-t-il après ce couplet ? Où est le refrain ?

5°) De longues parties instrumentales surgissent au sein des morceaux progressifs. Et oui, le rock progressif est friand de ces joutes instrumentales qui sont la plupart du temps très écrites, un peu à la manière de la musique classique et à la différence du jazz où l’improvisation est de mise. De nombreux groupes de rock progressif ne proposent même que des albums instrumentaux. Pour mon projet, le fait de chanter était indispensable bien que la musique d’Anna soit auto-suffisante : elle peut vivre en autarcie. Elle raconte l’histoire. Mais je suis chanteur donc…j’ai chanté ! De plus, je pense qu’il est difficile de tenir l’attention d’un auditeur pendant près de 80 minutes sans paroles, on n’est plus au temps du cinéma muet….. N’empêche que j’ai intégré de nombreuses parties instrumentales quand le besoin s’en faisait sentir, introduisant divers climats, imprégnant divers mouvements à la musique d’Anna, lui faisant emprunter des chemins de traverse sereins ou des détours plus sombres voir violents.

6°) L’utilisation de mesures composées. Là on entre un peu dans le détail mais ces fameuses mesures composées épicent vraiment les titres progressifs et leur donnent souvent leur originalité, leur caractère. En rock, pop, disco, variétés, dance, etc, la mesure de 4/4 est omniprésente : poum – tchac – poum – tchac (le poum étant la grosse caisse et le tchac, la caisse claire). Dans la plupart des musiques commerciales, on ne peut pas y couper, sinon on va déstabiliser l’auditeur, voir le danseur et carrément lui faire s’emmêler les pinceaux et s’écraser par terre. Donc non, non et non, c’est du 4/4 et puis c’est tout ! Le rock progressif, comme le jazz ou la musique classique par exemple, intègre des mesures composées dans ses compositions : du ¾ (poum – tchac –tchac : mais ça fait un peu valse musette alors le batteur progressif innove et modifie ce rythme), du 5/4 (on ajoute un temps : poum – tchac – poum – tchac – tchac), du 9/8, du 12/16, ça se complique mais je ne vais pas faire un cours de solfège. J’ajouterai juste que l’utilisation de ces mesures composées s’est imposée naturellement pour la musique d’Anna : ¾, 5/4, 7/4. Le changement de signature rythmique dans un morceau (passer du 4/4 au 6/8 par exemple) pimente aussi fortement une composition.

7°) La création de concept-album. Le concept-album développe une histoire du début à la fin via les différentes chansons du cd. C’est emblématique du rock progressif et cela se retrouve assez peu dans d’autres formes de musique populaire. C’est une marque de fabrique de tout groupe progressif qui se respecte : qui n’a pas son concept-album ? Ils sont frais mes concept-albums !!! Bref, c’est indiscutable, Anna est un concept-album. Tout d’abord de par le récit exposé durant 80 minutes puis du fait de la structure de l’album divisé en préambule, actes et épilogue et enfin en raison de l’utilisation de bruitages destinés à illustrer certaines ambiances et créer des transitions.

8°) Des harmonies vocales complexes et l’utilisation de différentes techniques vocales. Pour Anna, j’ai pu enrichir l’espace vocal avec des chœurs, des voix parlées, des effets de canons.

9°) Des textes élaborés avec des références à la science fiction, au fantastique, à l’Histoire, aux problèmes sociaux ou de société. Anna est un texte narratif au sujet de l’amour, la guerre, la révolution et l’Histoire. C’est finalement un conte intemporel entre un homme et une femme. Le fait que cela se passe en Russie pendant la première guerre mondiale et la révolution exacerbe les sentiments et les comportements qui deviennent alors plus extrêmes. Ceci profite aux musiques et aux textes d’Anna qui peuvent s’aventurer sur des sentiers très calmes puis très violents sans grandes transitions.

10°) Des « artworks » sophistiqués et audacieux en rapport avec le thème du cd. L’artwork est bien souvent synonyme de pochette de disques en français mais inclut aussi tous les travaux artistiques destinés à mettre en valeur l’album : la jaquette de l’album donc, le livret, le logo, le site internet, la vidéo, les photographies … La jaquette d’Anna a bénéficié de l’œuvre d’un artiste peintre, Coralie Prost où le rouge domine. Le livret est très travaillé : 12 pages ont été nécessaires pour y inclure les paroles, le pitch de l’histoire, un paragraphe sur les révolutions, les remerciements de mise et quelques photos de la révolution russe.

11°) La virtuosité de ces interprêtes. Cela découle des points précédents : pour passer du 4/4 au 6/8, tenir un morceau de 30 minutes, sortir un solo métal « à donf » puis une rythmique jazz, il faut une certaine dextérité, c’est sûr. Alors là, j’ai fait ce que j’ai pu avec ce que j’avais (juste 10 doigts et un seul cerveau) mais le côté technique instrumentale n’a jamais été ma priorité. J’ai un attrait beaucoup plus important pour la composition en elle-même. La phase d’enregistrement a certainement été la plus difficile par rapport à celle de l’écriture de l’album. Je pense qu’au final ceci ne se ressent pas.

12°) Un aspect de contre-culture progressiste hérité des années 70. La traduction française du « progressive rock » de nos amis anglophones en « rock progressif » n’est pas la plus adaptée. « Rock progressiste » aurait été bien meilleur. En effet, dans la forme, le rock progressif était (et est toujours, me semble-t-il) l’œuvre de musiciens d’avant-garde, sans barrière, cherchant à innover et à faire « progresser » le rock de l’état de musique de défoulement à de l’art en se rapprochant de l’esthétique jazz (parfois) ou classique (des fois). OK, ça parait un peu pompeux mais cela me semble être la réalité. Par ailleurs, dans le fond, le côté contestataire (mise en cause de la société, revendication, invention de nouvelles formes de sociétés…) est très souvent présent dans les œuvres progressives, de façon directe ou fortement imagée. Enfin, pour Anna, le terme de « rock progressiste » me semble tout à fait approprié. Il convient parfaitement au thème de l’album.

Pour en savoir plus sur le rock progressif.

Il existe d’excellents sites que vous trouverez facilement. En voici quelques-uns :

Des magazines sur le sujet sont disponibles à la vente :

Puis des livres de grande qualité :

Bon, quand vous aurez lu tout ça, vous serez incollables sur le rock progressif.

La suite au prochain épisode, François.

 

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